Alors que les retards de paiement des factures atteignaient en moyenne 11,5 jours fin 2019, Alain Griset, le ministre chargé des PME, déclare aux « Echos » vouloir « parvenir à un retard inférieur à 10 jours en 2021 ». Le confinement n'a pas entraîné d'explosion des retards de paiement pour l'instant, mais la conjoncture très difficile inquiète dans certains secteurs.

Avec la visioconférence, c'est l'autre gagnant du confinement et de la distanciation physique. Le marché de la signature électronique est au sommet de sa forme, porté par le besoin toujours plus fort des entreprises de signer des contrats mais avec souvent l'impossibilité pour les cadres et les employés de se déplacer en personne pour cela.

D'après le cabinet d'étude Forrester, le marché mondial, qui pèse aujourd'hui 1,7 milliard de dollars, va grossir de 25% en 2020, au lieu de l'augmentation de 15% pressentie avant la crise sanitaire par l'analyste Craig le Clair.

Déjà engagé depuis quelques années par la vague de la transformation numérique, le mouvement prend donc de l'ampleur. Chez DocuSign, le pure player et grand numéro un du marché qui devrait enregistrer 1,3 milliard de dollars de chiffre d'affaires cette année, les signaux sont au vert.

La société créée en 2003 a conquis plus de nouveaux clients durant les six premiers mois de 2020 qu'elle n'en avait séduits sur toute l'année 2019. D'où le grand bond en avant de son cours de Bourse, passé de 79 dollars l'action à 215 dollars, entre la fin mars 2020 et aujourd'hui, pour une valorisation de 39 milliards de dollars.

DocuSign contre Adobe

Plus que jamais, l'entreprise se sent capable de tenir son pari de faire utiliser son interface sécurisée de signature tout en ligne au moins une fois dans chacune des entreprises du monde. « Dans beaucoup de pays, les gens ne disent plus 'signature électronique' mais 'DocuSign' », se vante Daniel Springer, son directeur général à l'assaut des marchés européens et asiatiques. Il revendique déjà tenir 70% du marché mondial, loin devant les start-up qui pullulent pour lui ravir son trône, de HelloSign (racheté en 2019 par Dropbox pour 230 millions de dollars) au Français Yousign.

Mais un géant du logiciel a, lui aussi, flairé le bon filon. Adobe - la deuxième capitalisation boursière du secteur (237 milliards de dollars), plus connu pour ses logiciels de création graphique comme Photoshop - rappelle son ADN de créateur du format PDF pour se faire une place sur le marché de la gestion des documents en entreprise. « Adobe est un compétiteur aux poches profondes qui apparaît de plus en plus intéressé pour prendre une part sur ce marché », alerte dans une note à ses clients Alex Zukin, analyste chez RBC. Les experts lui attribuent déjà entre 12 et 20% des ventes.

Adobe surfe également sur l'accélération du marché de la signature électronique depuis le confinement. Au deuxième trimestre 2020, il assure avoir multiplié par trois les revenus tirés de son logiciel Adobe Sign, sans toutefois indiquer de chiffre précis. Dans ces résultats financiers, il intègre ces recettes dans les 375 millions de dollars de chiffre d'affaires trimestriel de son activité Document Cloud.

Un marché potentiel de 25 milliards de dollars

« La signature électronique est devenue une couche indispensable pour la continuité business », estime Luc Dammann, le directeur général d'Adobe pour l'Europe du Sud. Neuf ans après le rachat d'EchoSign et juste avant le confinement, la décision d'Adobe d'accélérer dans ce domaine en passant par de nouveaux distributeurs (Worldline, Intesi...) est tombée à pic.

À la différence de DocuSign, Adobe se présente en acteur de la gestion de tout type de document et non pas uniquement les contrats à signer, du scan à la création du PDF. « Document Cloud est le prochain pilier majeur de la croissance de l'entreprise », parie dans une note Brent Bracelin, analyste chez Piper Sandler.

Le patron de DocuSign ne s'en inquiète pas. Pour lui, le match ne fait que commencer, l'entreprise n'ayant réussi à capter que 2% du marché adressable de 25 milliards de dollars qu'elle estime pouvoir toucher. Au vu de la dynamique du marché, la croissance sera au rendez-vous pour tout le monde.

Par Florian Dèbes - © Les Echos